« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés…»
La Fontaine – Les animaux malades de la peste
Cette phrase de La Fontaine m’apparaît d’une actualité criante, tellement que la COVID-19 vient nous hanter dans notre vie quotidienne comme une menace diffuse, une sorte d’angoisse de mort généralisée qui pénètre dans notre inconscient collectif et nous rend impuissant et résigné.
On ne peut écouter la radio, ouvrir la télévision, lire les journaux pour échapper à ce contexte mortifère sans que tous les médias nous ramènent en boucle à cette obsession de la pandémie.
Il existe pourtant d’autres pandémies dans le monde, mais celles-ci semblent moins nous concerner. Qu’on pense au cancer, voire au side qui aurait causé 36 millions de morts depuis son apparition. Aucune de ces maladies n’a provoqué un tel retentissement sur notre vie quotidienne, particulièrement notre vie de famille.
Ce repli sur notre cellule familiale a engendré de nombreux inconvénients : tensions, dépressions, symptômes physiques, etc. Mais n’y a-t-il eu que des désavantages ?
Pour ma part, je suis frappé par la capacité de résilience des jeunes enfants. Il est vrai que la plupart continue à aller à l’école et peut maintenir des relations sociales. Et les ados ? Curieusement, on constate que malgré certains aspects dépressifs liés au manque de liberté physique, ils ne vont pas si mal.
Exemple: Alors qu’on s’attendait à une augmentation du nombre de suicides, c’est l’inverse qui se produit. Ce serait plutôt les jeunes adultes qui éprouvent le plus de difficulté. Est-ce parce qu’ils sont plus isolés et que le support familial leur manque ?
Se retrouver en famille, ce n’est pas se couper du monde. C’est au contraire retrouver un réseau de solidarité qu’on avait perdu de vue, car on était pris dans toutes sortes d’activités, c’est retrouver la dimension du temps passé ensemble, le plaisir des jeux collectifs, le plaisir de cuisiner ensemble. C’est également l’occasion de se reconnecter avec l’histoire de la famille. Faire en famille son arbre généalogique, retrouver ses racines tant au niveau des oncles, tantes, cousins, que grands-parents, etc. C’est l’occasion de créer des liens interrompus pour toutes sortes de raisons, de revoir en photos des lieux où on a vécu ou qu’on a visité…
Paradoxalement, c’est en restant chez soi qu’on retrouve ce qui nous unit à notre famille et qui nous permet de découvrir quelles sont les personnes qui nous manquent le plus. Et le numérique qui peut avoir des désavantages (cyberintimidation, radicalisation, accès à la porno…), se révèle un précieux allié pour maintenir ces relations si importantes à l’adolescence.
On constate à quel point nos jeunes savent utiliser l’internet pour maintenir les liens avec leurs amis en échangeant des idées ou en partageant des jeux vidéos. C’est également pour eux l’occasion de parler des questions qui les préoccupent et que leurs parents découvrent souvent avec un certain étonnement… «L’avenir de la planète t’intéresse vraiment ?» Le vivre ensemble lié au COVID-19 favorise cette redécouverte des centres d’intérêt de nos adolescents et de leurs préoccupations existentielles.
C’est l’occasion en famille de saisir ces opportunités pour parler d’avenir avec nos jeunes. Oui, on peut se sentir limité, impuissant face à ce virus, dans le moment présent, mais parlons du futur, de ce que nous pouvons faire comme projet, des rêves de nos ados d’un monde meilleur, sans pollution, sans réchauffement climatique et où le racisme ne serait plus qu’un lointain souvenir…
La meilleure manière de combattre nos peurs, c’est de faire des projets, mais aussi de les regarder en face. L’angoisse de mort nous envahit… et si on en parlait ? De la mort bien sûr, mais surtout de la vie, de ce passage sur cette terre, de ce voyage qui a eu un début «la naissance», mais qui doit avoir une fin. Quel sens allons-nous donner à notre vie ? Cette quête du sens est essentielle pour nos adolescents même s’ils n’osent pas trop en parler. Comme le dit Michel Lemay, ils sont à la recherche d’une «spiritualité laïque», d’une orientation à donner à leur vie.
Profitons de ces instants où la vie familiale devient centrale pour :
- Retrouver le plaisir à partager des activités ensemble.
- Réactualiser l’histoire de notre famille.
- Renouer des relations qu’on avait négligées.
- Parler des valeurs que nous partageons et du sens que chacun veut donner à sa vie.
- Élaborer des projets d’avenir positifs…
Ce sont les parents qui sont responsables de donner cette vision positive qui contraste avec ce que nous transmet la société. C’est en demeurant optimistes que nous parviendrons à maintenir cette harmonie familiale si nécessaire pour tous ses membres.
Je conclurai par ce proverbe africain : «lorsqu’il n’y a pas d’ennemis à l’intérieur, les ennemis à l’extérieur ne peuvent pas vous atteindre».
Rédigé par Benoît Clotteau
TCF, Psychothérapeute
Directeur de l’IFACEF